Entre causticité décalée et humour putride…
J'affiche clairement la couleur : j'ai adoré ce roman! Il a tout pour me plaire… une plume recherchée et fluide à la fois, un humour noir et grinçant qui m'a souvent rappelé l'humour anglais, avec quelques belles notes grivoises, un univers glauque, des personnages totalement loufoques et attachants, même les pires d'entre eux, du gore en veux-tu en voilà…
Soyons clair dès le début, je ne pense pas que ce roman convienne au tout venant. Si le gore thrash vous rebute, si les univers sombres vous fichent le cafard, si vous n'appréciez pas l'humour noir ou si vous n'êtes pas accoutumés à apprécier une lecture au 36e degré, vous aurez du mal à entrer dans l'intrigue de cette trilogie. Clairement, il faut avoir l'estomac bien accroché pour entamer cette lecture, tant elle dézingue tout sur son passage, vous remuant cœurs et têtes aussi sûrement qu'une montagne russe. Âmes sensibles et esprits chatouilleux, s'abstenir, donc…
Cocasseries et descriptions saugrenues…
Le premier éléments qui m'a séduite dans ce roman, et qui a continué à attiser ma curiosité et mon hilarité tout au long du récit, c'est cette cocasserie propre à l'écriture de Jérôme Noirez. Prenons déjà le titre de certains chapitres, très éloquents quant au côté saugrenu des situations qu'ils renferment…
Estrec de Gourios et ses problèmes de plomberies, Malgasta de Sponlieux manque de se faire gratter, Grenotte et Gourgou goûtent à l'ergot de blé, Jobelot avale de la neige, Quinette la chienne au cul de Meurlon, Malgasta au jardin des idiots et des fous, Obicion discute avec une bouche d'égout, Dame Plommard entretient son potager, Jectin de Lourche jure de se mettre à la broderie, Grenotte et Gourgou rotent et pètent dans l'En-Dessous, Mesvolu le fraselé narre l'inénarrable…
Sans compter les noms des personnages et des lieux… J'ignore encore comment s'y est pris Jérôme Noirez pour produire cet effet, mais chaque patronyme ou toponyme sonnait à mes oreilles comme un parfait compromis entre le grotesque et le sordide. Caquehan, Bobancié, Vicerince, Sponlieux, la mer clapotante… ou encore Obicion, Malgasta, Meurlon, Mesvolu, Orbarin Oraprim, Dame Plommard, Dandin d'Ando…
Ce sont tous ces petits détails qui font aussi toute l'ambiance du roman, qui donne à cet univers étrange ses lettres de noblesse, en quelques sortes.
On trouve dans cette histoire toute une foule de détails comiques et loufoques, comme ces quelques moments où l'auteur nous parle de l'histoire des saints "bien connus". C'est que Jérôme Noirez nous propose une complète hagiographie comico-morbide qui vient agrémenter le plat de quelques grains de poivre noir qui font tousser de rire. Citons entre autre sainte Cadacace-la-sept-fois-pestiférée, saint Dediace-le-Fou, sainte Coriolle-l'Amoureuse, saint Avoi-le-Malportant…
Il y a ce vieil hurluberlu de Lulle-Haut qui s'amuse à imiter les cris et les imprécations des skieurs qui se cassent la nénette sur la piste noire…